Correspondance

Par Jacques, le 3 septembre 2012

Cher Antoine,

comment se passe votre retour en Picardie ? Le trajet n’as pas été trop long et fatiguant ? Je sais qu’en ces temps de tempête il est difficile de voyager à cheval vers des pays si lointains, je m’assure donc que vous n’ayez pas trop souffert de celui ci. Avez vous revu votre famille ? Se trouve t-elle en bonne disposition ? Vos affaires sont elles en état ? Avez vous pu reprendre votre activité musicale ?

Que je suis ennuyante, je pose beaucoup trop de question comme toujours.
Je vais plutôt vous raconter ma journée pour vous divertir.

Avec maman après avoir petit déjeuné nous sommes allées visiter ma chère tante Hélène pour lui faire la lecture de ces histoires d’aventure qu’elle affectionne tant. Maman me donnait la réplique, mais était très fatiguée, elle ne reprenait pas son passage de lecture à la bonne ligne. L’histoire en devenait farfelu. Qu’est ce que nous avons rit !

Nous sommes ensuite allée à la rencontre du père Paul pour lui porter nos vieux vêtements pour l’orphelinat, comme chaque année. Celui ci nous a prié de rester déjeuner et nous a récité de très belles prières.
Quel beau moment, il y avait ce lac avec des cygnes magnifiques qui semblaient nous saluer.

Nous sommes rentrées à la maison il y a peu, et je vous écris avant de retrouver la famille De Tignac que nous recevons pour le thé. Ce sont des gens fort agréables. La fille De Tignac parle à merveille le latin et connait la musique ainsi que la littérature moderne. Nous aimons en discuter. Dans mes dernières lectures je suis tombée sur une lettre d’amour qu’Alfred de Musset a écrit pour Seorge Sand, j’ai pensé que vous aimeriez la lire.

« Je voulais te parler seulement de mon amour,
ah George , quel amour !
Jamais homme n’a aimé comme je t’aime.
Je suis perdu , vois-tu, je suis noyé, inondé d’amour ;
je ne sais plus si je vis, si je mange,
si je marche, si je respire, si je parle ;
je sais que j’aime. »

Cette lettre n’est elle pas follement romantique ? J’espère bientôt avoir de vos nouvelles. Affectueusement.

Sylvie

— -
Chère Sylvie,

je ris, je m’esclaffe en vous lisant. J’explose devant le récit de votre aventure chez tante Hélène, quelle rigolade !
Par ailleurs merci pour le fort beau dessin que vous avez joint à votre lettre, cela m’a réconforté d’une bien triste nouvelle.
Mon père est mort ce matin, à l’imprimerie. Écrasé par la lettre T dans la salle des machines. C’est un accident rare, les marteaux d’impression sont normalement de solides pièces d’acier de trois mètres trente de haut, fabriqués dans les fonderies du limousin, 180 kilos d’acier français, un savoir faire de renommée internationale. Mais ce matin, les boulons qui reliaient la tige d’acier au marteau supérieur n° 18 de la lettre T ont littéralement explosés. Mon père, qui comme chaque matin, déambulait un café à la main dans la salle des machines, n’a pas eu le temps d’esquisser le moindre geste, du moins c’est ce que nous fait penser sa position, les bras en croix, haché au sol par le T.
C’est une bien délicate affaire.
A présent, mes frères et moi sommes embêtés. Notre première décision fut de remplacer le marteau de la lettre T par une deuxième lettre P. Question de superstition, et d’honneur aussi. Tant pis pour nos futures publications, ou plutôt devrais déjà écrire, panp pis.

Je vous avouerais ne rien comprendre aux vérités de la mécanique. C’était bien cela le but de mon appel télégraphique par voie radiographique, celà me purlupine.

Je joins à mon tour un dessin que j’ai réalisé ce matin en pensant à vous. Car oui, je pense à vous le matin.

Affectueusement,

Anpoine.

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