Rondo parisiano

Par Guillaume, le 27 août 2011

Erwin était un de ces petits garçons qui détiennent des pouvoirs magiques. Et le sien était de faire reculer le temps. Tout en prenant un faux air pensif, il arrivait à stopper net tout mouvement, à faire marcher les gens en arrière, à faire retourner à son point de départ l’eau du robinet et l’œuf de la poule. Il était alors le seul à observer et jouir de ce subterfuge temporel. Au fil des années, Erwin utilisa cette facilité comme un amusement. Il revivait ainsi les blagues les plus drôles de ses copains, les chutes à vélo de sa sœur ou encore les parts de gâteau au chocolat de sa maman. Il faut dire qu’il ne pouvait pas reculer plus de quelques minutes. Ce n’était pas non plus un super-héros !

En grandissant Erwin fit de plus en plus attention à des détails qui lui paraissaient auparavant indifférents. Ses yeux observèrent le monde avec moins de légèreté. Les minutes qu’ils remontaient telles les aiguilles de sa montre lui parurent de plus en plus lourdes à porter. Et cela l’effraya. Il vit des minutes se répéter, des mots se dire et se redire sans même actionner son terrible pouvoir, des gestes se faire et se défaire. Il vit des hommes et des femmes faire tourner le monde de leur marche inlassable. Il vit des hommes et des femmes faire tourner le monde sur lui-même.

Ses yeux se posèrent sur des âmes tourmentés, emportées dans le tourbillon de la monotonie.

De New York à Paris, de Barcelone à Goa Erwin ressentit des pas de danse lui rentrer dans les côtes, des strombo lui bruler la rétine, des basses assourdissantes. Erwin quitta alors son air pensif et ferma la porte aux temps du passé.

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