Guetteur

Par Jacques, le 24 janvier 2013

Tapi dans l’ombre, ses yeux perçants observent les alentours. Le moindre bruit qui vient perturber le grand silence alerte son oreille avertie. Patiemment, il guette. Deux heures, peut-être trois, il ne sait plus, qu’il est posté, vigilant. Elle va passer. Il le sent. Il le sait. Le vent lui arrive de face, les odeurs de la forêt avec. La nuit est tombée depuis un bon moment, il se sait invisible derrière son bosquet. Ses yeux ont eu le temps de s’adapter à l’obscurité, le ciel est dégagé,

la Lune présente, bien que discrète. Il est en position idéale. Les multiples bruits de la forêt n’en sont plus pour lui.

Le cri d’une chouette se fait remarquer de temps à autres, perçant de son hululement la quiétude du lieu. Cette présence lui semble tout à la fois lointaine et réconfortante. Sans avoir jamais réussi à la voir, il se sent proche d’elle, un des rares êtres vivants du coin osant se manifester invariablement. Elle fait partie de ce qu’il aime dans ce coin de forêt drapé par les ténèbres. Ce qui en a fait l’endroit où il se sent le mieux, son refuge. Bercé par la douceur du vent qui vient lui caresser le visage, il guette, toujours. Il ne se soucie plus depuis longtemps de savoir si son absence a été remarquée. Peu lui importe, d’ailleurs.

Alors que quelques nuages viennent sporadiquement assombrir certains recoins, il aperçoit une sorte de tâche blanche mouvante, un peu plus loin. Impossible de déterminer à quelle distance précise elle se trouve. Impossible a priori de savoir si c’est celle qu’il attend depuis de longs moments. Le vent se lève, entraînant dans son souffle les branches des arbres et les nuages. L’obscurité qui se renforce ne le perturbe pas. La tâche, aux contours encore très flous, se rapproche inexorablement. La chouette, elle, s’est tue. Quelques gouttes de pluie commencent à tomber sporadiquement, sans même qu’il ne le remarque. Ses yeux ne quittent pas ce qui est en train de ressembler à une silhouette. Il va enfin savoir.

Lentement, il la voit avancer au milieu des arbres, marquant quelques arrêts, comme si elle se nourrissait. Sa crinière à laquelle la lune donne des reflets argentés s’élance fièrement. Comme la fois précédente, ils croisent leurs regards. Elle lui fait maintenant face à quelques mètres de là. Pourtant bien caché, il sait qu’elle le voit. Détournant lentement son regard, le petit garçon suivit les courbes de l’animal. Son grand front lisse voyait s’élancer fièrement une splendide corne, qui semblait défier l’air.

Il n’avait ainsi pas rêvé. Deux fois il avait pu la voir. Deux longs moments, comme deux éternités. Deux fois ils étaient restés là, l’un en face de l’autre, sans crainte.

Il n’en parlerait jamais. Mais il savait.

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